Et si je réunissais les acteurs de la vente en vrac ?
Il existe aujourd’hui plus de 500 magasins vrac en France. Il y a 5 ans, il en existait une vingtaine. Le développement de ces épiceries a été largement facilité par Réseau Vrac, association crée en 2016, qui fédère les acteurs de la filière du vrac en France ( producteurs, fournisseurs, équipementiers, magasins vrac…). Au delà de la mise en relation et de l’accompagnement des entrepreneurs de la filière, il y a à la fois une démarche économique derrière le projet de Réseau Vrac, qui est de contribuer à la relocalisation des productions et à la création d’emplois et une démarche santé, amenant les consommateurs à se réapproprier leur alimentation.
Célia Rennesson, co-fondatrice et directrice générale de l’association, nous explique ce qui l’a amenée à vouloir aider les acteurs de la filière vrac…
⇨ Célia Rennesson / crédit © Christophe Audebert
LE CONCEPT ET LA CRÉATION
Peux-tu me raconter l’histoire de Réseau Vrac ?
Le projet Réseau Vrac est né d’un groupe de travail animé par l’association Zero Waste France: Laura Caniot, responsable de l'appui des entrepreneurs du zéro déchet au sein de Zero Waste France recevait de plus en plus de demandes de porteurs de projet qui voulaient ouvrir une épicerie vrac. Très rapidement, les demandes ont pris de l’ampleur et il a fallu créer une entité à part. Il fallait que quelqu’un soit dédié à 100% sur cette nouvelle filière du vrac qui était en train de se dessiner. En février 2016, j’ai rencontré Laura Caniot et Didier Onraita, le cofondateur de l’enseigne Day By Day pour monter une association, entièrement dédiée au vrac. Si j’ai accepté, ce projet c’est parce qu’il y a quelques années, en 2013, j’ai voulu monter une épicerie vrac et j’ai été confrontée aux difficultés qu’on peut avoir quand on veut monter ce type de projet. L’idée de créer une association pour fédérer les professionnels du secteur me plaisait donc beaucoup.
Depuis sa création qu’est devenue l’association Réseau Vrac ?
En mars 2016 on a fondé l’association composée d’un conseil d’administration avec des professionnels du secteur dont la mission était de donner une orientation à l’association et puis moi pour la stratégie et le pilotage opérationnel au jour le jour des activités. Il a fallu créer des outils juridiques, des formations et constituer l’expertise pour aider les porteurs de projet et les professionnels à développer leur activité. La première année, il y avait 50 adhérents, et aujourd’hui il y en a 1700. Dans ces 1700 adhérents, ma volonté a été dès le début de fédérer toute la filière : des producteurs, fournisseurs, transformateurs, équipementiers, des magasins (avec plusieurs typologies de magasins) et des porteurs de projet souhaitant ouvrir un business dans le secteur du vrac ou un magasin. Ils n’en sont pas tous au même stade de développement, ils n’ont pas tous les mêmes besoins de part la typologie de leurs métiers d’origine ou leur entreprise. L’objectif était de les accompagner en prenant en compte leurs différents besoins.
⇨ Conseil d’Administration / crédit © Christophe Audebert
Comment se traduit cet accompagnement ?
On accompagne par exemple les magasins et porteurs de projet via des formations et de la mise en réseau. En effet, on a souvent affaire à des entrepreneurs en reconversion professionnelle qui ont besoin d’aide d’un point de vu législatif, réglementation, hygiène, recherche de fournisseurs... Dans la formation, “Monter son projet d’épicerie vrac” ce qui a été très important était de pouvoir donner les clés en seulement 2 jours à des porteurs de projet pour leur permettre de comprendre toute la complexité du métier, d’éviter de faire les erreurs de base quand on commence et de se poser la question: “Est-ce que j’ai envie d’aller au bout de mon projet ?”.
Dans l’Espace Adhérents on a une médiathèque avec une ressource documentaire très fournie, un forum, qui permet d’échanger avec les adhérents, une cartographie de tous les adhérents par typologie qui permet de trouver les acteurs vrac prochent de chez soi pour se mettre en lien ou faire une immersion dans un magasin et un catalogue de plus de 450 fournisseurs. On organise aussi des rencontres en région grâce à nos Ambassadeurs et nous avons créé le Salon du Vrac, qui est le rendez-vous annuel national de toute la filière vrac. Toutes ces actions vont permettre à un porteur de projet d'ouvrir beaucoup plus rapidement et dans de très bonnes conditions son commerce.
⇨ Salon du Vrac / crédit © OBO/Clandoeil.fr
Est-ce que tu penses que Réseau Vrac a permis de multiplier le nombre de commerçants qui s’est lancé dans un projet d’épicerie vrac ?
Oui, c’est certain.
Quand on a lancé Réseau Vrac en 2016, il y avait une vingtaine de magasins et aujourd’hui il y en a plus de 500. On a formé au total 800 stagiaires. On a accéléré drastiquement l’ouverture de ces points de vente car on leur a donné beaucoup d’outils pour pouvoir le faire plus rapidement et plus pérennement.
ENGAGEMENTS
Quels sont tes engagements environnementaux et sociaux ?
D’un point de vue environnemental : démocratiser le vrac, car le vrac permet de réduire à la source les emballages ménagers à usage unique et le gaspillage alimentaire. C’est la première chose qui nous unit tous dans la filière : on a pour volonté de faire en sorte que les gens gaspillent moins et le vrac permet cela par le choix des quantités, le fait d’apporter ses propres contenants réutilisables. Le vrac permet aussi de s’intéresser à l’impact qu’on va avoir et le local/national est très prégnant dans ce secteur. Cela permet de re-dynamiser toute une économie territoriale en choisissant un producteur, un transformateur ou un grossiste près de son point de vente.
Au mois de janvier, nous allons travailler avec l’interprofession Interbio des Pays de la Loire lors d’un groupe de travail pour la mise en place de filières de produits vracs & bio car l’offre de produits bio en vrac reste insuffisante. Il y a vraiment cette volonté de relocaliser un certain nombre de productions en France.
On veut aussi recréer du lien social : en venant dans une épicerie vrac, on discute avec son commerçant, un lien qu’on a perdu dans les hypers et les supermarchés. Il est toujours resté avec les commerces de proximité et le commerce vrac à aussi pour vocation de retisser du lien social. Je milite aussi pour que les rayons vrac de tous les magasins aient du personnel dédié car le vrac ne s’achète pas comme le pré-emballé !
Aujourd’hui les produits sont plus chers qu’en hypers et supermarchés. Est-ce que tu penses que l’augmentation des magasins vrac peut conduire à une baisse des prix des produits ?
Il y a quelques années, les magasins bio avaient fait principalement le choix de vendre des produits bio en vrac afin de faciliter leur démocratisation : leur prix au kilo était alors moins cher que leur équivalent pré-emballés. Le vrac a donc un fort historique avec la bio : aujourd’hui plus de 90% des produits vrac qui sont vendus son bio. C’est cela qui peut faire penser que le vrac est plus cher : mais plus cher que quoi ? Encore faut-il être en mesure de pouvoir comparer le prix au kilo de produits véritablement égaux.. Quand on peut comparer un produit à marque : il est vendu moins cher en vrac qu’en pré-emballé. Les épiceries vrac commercialisent beaucoup de produits issus de producteurs locaux dont les produits ne se retrouvent pas dans les enseignes fréquentées par tous et elles n’achètent pas de gros volumes également.
Du coup, pour moi, le prix doit être abordé par le coût de revient et par la maîtrise du budget : “J’ai 20 euros dans ma poche, qu’est-ce que je peux avoir avec 20€ ?” Avec le vrac, je vais pouvoir acheter plein de produits différents, en petite quantité et les faire rentrer dans mon budget. Le vrac, par le fait de maîtriser les quantités achetées permet de maîtriser son budget et de moins gaspiller. En effet, le coût du pré-emballé est d’une centaine d’euros par an et par foyer selon l’Ademe et on jette 7 kg de nourriture parfaitement emballée par an.
La maîtrise des quantités n’est pas innée, il y a un temps d’adaptation. C’est pour cela qu’on a sorti le livre Vrac Mode d’emploi début septembre pour aider à faire ce passage. On a aussi travaillé avec une nutritionniste pour mettre en place un tableau de référence des portions par type d’aliments et par typologie de personne. Une fois qu’on a ces nouveaux repères, on raisonne produit/quantité/besoin plutôt qu’achat… c’est un autre rapport à la consommation. On aimerait d’ailleurs mener une étude plus psychologique sur l’impact du vrac dans nos comportements, nos manières de consommer et de nous réapproprier notre alimentation.
⇨ Livre Vrac Mode d’emploi
FINANCEMENTS
Comment l’association est-elle financée ?
J’aime bien dire que Réseau Vrac est une startup avec un statut associatif. On est agile, on a un modèle économique autonome et on se finance nous-même. Jusqu’à présent l’association fonctionne de manière totalement indépendante : elle est financée à 100% par ses adhérents à travers les adhésions, les formations, le Salon du Vrac..
EQUIPE
Combien êtes-vous dans ton équipe aujourd’hui et qui fait quoi ?
⇨ Equipe opérationnelle / crédit © OBO/Clandoeil.fr
Les 4 premières embauches ont toutes été réalisées 3 ans après la création de Réseau Vrac. En février 2019, j’ai recruté Chloé au poste clé de chargée de projets et développement, en septembre est arrivée une autre Chloé au poste de responsable formations, en octobre Lucia en tant que directrice juridique et je me suis enfin moi-même salariée. Et depuis le 26 octobre 2020 nous sommes 5 salariées : Clémentine vient de nous rejoindre pour s’occuper de la partie administrative, financière et de la relation avec les adhérents.
CULTURE & MANAGEMENT
Pourrais-tu me décrire la culture chez Réseau Vrac ?
J’ai fait Dauphine, puis j’ai travaillé 3 ans dans un cabinet de conseil en stratégie et 3 ans dans un grand groupe de mobilier urbain. Ces expériences pro m’ont appris des choses que j’avais envie de garder et d’autres que je n’avais pas envie de reproduire. J’ai envie d’une structure agile et responsabilisante. Je pense qu’on gagne beaucoup plus quand on a des personnes responsabilisées, qu’on leur fait confiance. Nous ce qu’on fait, c’est une réunion d’équipe le lundi et comme on a une partie de l’équipe au Mans, ça permet de garder un lien. Il y a la liberté de faire du télétravail. On réfléchit beaucoup ensemble. On désigne toujours une personne responsable du projet puis chacun partage ce qu’il fait. On utilise d’ailleurs Trello comme outil pour savoir qui fait quoi. On fait en sorte de récompenser tout l’investissement de l’équipe qui travaille beaucoup. Je pense que c’est un fonctionnement qui marche et que l’ambiance générale plaît, car par exemple, lors du dernier salon Réseau Vrac, toutes les anciennes stagiaires sont revenues nous aider sans qu’on les ait sollicitées et ça fait vraiment plaisir de voir que l’expérience chez nous leur a plu.
RECRUTEMENT
Est-ce que tu prévois de recruter prochainement ?
Oui ! Nous sommes en plein recrutement d’un.e chargée de communication (nous avons reçu de nombreuses candidatures en quelques jours !). Je pense qu’au premier semestre 2020 nous ouvrirons un autre poste de chargé.e de projets et développement pour renforcer notre équipe à Paris.
Est-ce qu’il y a un profil Réseau Vrac ?
Les valeurs qu’on recherche chez Réseau Vrac sont :
- La curiosité : la capacité à s’intéresser à toutes les problématiques du secteur et à aller chercher des réponses par soi-même
- Une tête bien faite : la capacité à apprendre vite
- L’ouverture d’esprit : on est dans un secteur qui bouge vite. On a tous notre background personnel et professionnel et nos valeurs mais on est tous mus par l’envie de généraliser le vrac. Si on veut changer les choses il faut être inclusif et non non exclusif.. Par exemple, si une entreprise qui faisait du pré-emballé veut se mettre au vrac, à partir du moment où elle partage les valeurs de l’association et respecte la charte, on est ravi de l’accueillir et de l’accompagner.
- La confiance : je laisse beaucoup d’autonomie aux équipes et cela repose sur la confiance.
Je ne cherche pas quelqu’un avec le profil du poste exact, je dé-construis cela car je pense que c’est compliqué en France de changer de voie. Je valorise les compétences transférables et les qualités personnelles.
Tu t’intéresses aux métiers de la vente en vrac ou tu aimerais comprendre comment ça marche ?
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