Et si on interrogeait notre façon d’incarner le leadership ?
Cette semaine, je vous propose un article loooooong !! Je n’avais pas envie de réduire, de couper… j’ai bu chaque parole de Claire, alors j’avais envie de vous en faire lire chaque mot. Ici on parle de leadership. Claire a fondé ROUj, une entreprise de coaching, au sein de laquelle elle coach les profils sous-représentés dans les fonctions de leadership. Peu importe qui nous sommes, nous avons beaucoup à apprendre de cette nouvelle manière de voir et d’incarner le leadership !
Bonne lecture à tous :)
Claire Bourrasset - Fondatrice de ROUj
TON PARCOURS
Qu’est ce qui t’a donné envie de créer ROUj, quel est ton parcours ?
J’ai été formée en double cursus : j’ai fait des sciences sociales et de la science. À la base, j’avais envie de faire de la vulgarisation scientifique. J’étais très sensible à la communication et aussi très intéressée par l’art et l’histoire de l’art. Et puis, je me suis spécialisée dans un Master affaires publiques, spécialisation culture.
Le premier grand bouleversement dans mon parcours fut la participation, pendant ma 1ère année de Master, à une simulation de négociation internationale sur le climat, lors de laquelle on a rejoué la négociation de Copenhague. Pendant un an, 100 étudiants travaillaient sur les positions des pays qu’ils incarnaient. L’année se terminait par 3 jours et 1 nuit de négociation pour réussir à obtenir un accord contraignant sur le climat et éviter d’être au-dessus des 2°C de réchauffement climatique. Il y a eu un tournant pendant la négociation au moment où une délégation avait refait des calculs et montrait qu’on arriverait pas à réduire les émissions à 2°C, même avec la meilleure volonté. Ça a été un séisme lors de la négociation. On était déjà en 2011.
Il y a eu un avant et un après pour les participants. On est tous resté marqués par cette expérience et beaucoup d’entre nous travaillent aujourd’hui de près ou de loin à ces questions de développement durable.
Suite à ça, je suis partie à l’étranger. J’ai fait un stage qui n’a rien à voir : j’organisais des événements de wine tasting à New York. Je me suis dit que je ne pouvais pas faire ça toute ma vie, j’avais besoin de m’engager suite à ce que j’avais vécu. En rentrant en France en 2014, j’ai rejoint Pixelis, une agence de communication, pour les accompagner sur l’engagement des marques. C’était une façon d’avoir beaucoup d’impact car ça touche énormément de gens. Mais j’avais quelques frustrations car je mettais beaucoup d’énergie dans ce boulot sans voir vraiment l’impact, le résultat. J’avais du mal à être contente, fière de ce que je faisais.
Quand il y a eu le Brexit et l’élection de Trump, j’ai pris une claque. Ça m’a rappelé des sujets très importants pour moi : comment on fait société sans laisser personne sur le bord. Puis, j’ai fait la formation Ticket for change, un programme d’accompagnement à l’entrepreneuriat social. En même temps, je continuais mon taff chez Pixelis. Je gérais très mal mon énergie : j’étais jeune, je me suis grillée pendant cette période. J’étais en situation d’épuisement professionnel important. J’ai donc demandé à prendre un congé sabbatique de 3 mois en mars 2018. J’ai fait le point et pris soin de moi. Puis je me suis demandé ce que je pouvais retirer de toute mes expériences. Chez Ticket for change, j’ai découvert le métier de coach et je me suis rendu compte que pendant les 9 mois du programme, j’ai plus aimé accompagner les autres dans la construction de leur projet que moi, construire mon propre projet. Je décide alors de m’inscrire dans une école de coaching : Coach Academy.
Je retourne chez Pixelis au bout de 3 mois. Cette fois, je me mets un cadre, je m’écris un document avec les règles que je respecterai pour moi-même : le nombre d’actions que je fais, le nombre de sujets que je prends, avec qui j’accepte de travailler et avec qui je ne veux plus travailler. J’ai mieux géré mon énergie que la dernière fois et j’ai réussi à créer mon projet de coaching en parallèle. Et je suis partie en août 2019. J’avais l’idée d’être à mi-temps dans le coaching et à mi-temps dans l’entrepreneuriat social. Et puis finalement je n’ai eu envie que de faire du coaching. J’ai commencé à faire du démarchage en bouche à oreille. J’ai identifié que je voulais accompagner les personnes qui voulaient créer un monde plus juste, capable de répondre aux enjeux sociaux et environnementaux actuels et de prendre des risques pour le faire et aussi les personnes sous représentées dans les profils de leadership.
ROUj
“Tant qu’on a des sauveurs et des sauveuses qui portent le monde sur leurs épaules, qu’est ce qu’on a ? Des leaders en souffrance, qui ont un impact limité et ne peuvent pas faire émerger des leaders autour d’eux.”
Le premier axe de ROUj c’est de dire : si on veut créer un monde pour tout le monde, il faudra le faire avec des leaders qui ressemblent à tout le monde. Je travaille sur la légitimité, la confiance en soi, l’affirmation de soi.
Le deuxième axe : j’ai vécu des expériences de travail difficiles et j’avais envie de travailler aussi sur comment révolutionner le leadership dans le fond. Qu’est ce qu’on entend par leadership ? Pour moi, pour créer un monde pour tout le monde, il faut être capable d’avoir des leaders connecté.es à leur humanité, à leurs émotions, dans l’acceptation de leur vulnérabilité et donc capable d’empathie, de faire avec les autres, et de faire émerger des leaders autour d’eux/elles. C’est comme ça qu’on aura d’autant plus d’impact. Tant qu’on a des sauveurs et des sauveuses qui portent le monde sur leurs épaules, qu’est ce qu’on a ? Des leaders en souffrance, qui ont un impact limité et ne peuvent pas faire émerger des leaders autour d’eux.
ROUj est donc né avec l’idée de porter ce double projet : Comment on révolutionne le leadership sur la forme et sur le fond pour pouvoir créer le monde dont on a besoin en accompagnant les personnes qui veulent créer un monde plus inclusif et durable.
FORMAT DES PROGRAMMES
Claire a lancé un programme qui s’appelle “LES FEMMES OUVRENT LA VOIX.E”, qui accompagne les femmes qui veulent changer le monde, à développer un leadership à leur image. Elle y propose un double accompagnement : en individuel et en collectif.
Comment tu t’y es prise pour construire ton programme d’accompagnement ?
J’ai fait 1 an de coaching pendant lequel j’ai exploré le métier, j’ai rencontré beaucoup de femmes et des schémas se répétaient : des femmes brillantes, passionnées par l’impact de leur action, qui au bout de 2 ans d’activité étaient au bord du burn out, et s’épuisaient dans la recherche de reconnaissance auprès de leur manager. Ce qui ressortait beaucoup : c’est le syndrome d’imposture.
De là, je me suis dit qu’il y avait vraiment quelque chose à faire sur le public des femmes. Et ensuite, j’ai posé des questions à des femmes en position de leadership sur leur quotidien de leader, sur ce qu’était le leadership pour elles.
“Un processus de transformation, ça prend du temps.”
Je me suis aussi beaucoup servie de mon intuition. Je viens de te raconter toute mon histoire : un processus de transformation ça prend du temps. Pour pouvoir faire une transformation intérieure, je me suis dit qu’il fallait au moins 6 mois de programme. Je voulais aussi un petit groupe : j’ai fixé à 12 le nombre de participantes max. Et l’idée d’une progressivité dans le programme était importante aussi.
Le programme est construit en 3 phases :
Introspection
Pour se recentrer sur soi, se réapproprier ce que je veux, au-delà de faire plaisir aux autres. Qu’est ce qui me donne de l’énergie, de la joie ? Qu’est ce que je veux faire ?
Pour apprendre à gérer ses émotions : Comment faire de mes émotions des alliées ? Comment me réconcilier avec la notion de risque, avec la notion de peur ?
Comment me réapproprier l’identité du leader ? Aujourd’hui on à cette figure du leader charismatique, super héros, ou alors la figure d’une Shiva qui gère sa vie pro, perso, qui ne fait jamais d’erreur… des figures dans lesquelles on ne peut pas se reconnaître en tant qu’être humain faillible. L’idée est d’interroger les femmes sur ce qu’elles veulent elles incarner, quelle serait leur version à elles du leadership.
Positionnement
Comment j’apprends à me positionner ? On va travailler sur la notion de limites : Comment j’apprends à dire oui vraiment et non vraiment. Et aussi sur comment se rendre visible.
Rayonnement
Le rayonnement : On travaille la posture de leader coach. Comment je fais pour devenir une leader de leaders ? Et sur le leadership inclusif : comment devenir une leader consciente de ses privilèges, qui fait attention à tendre l’échelle à ceux/celles qui ont plus de difficultés.
Avec des exercices de prise de parole en public : Comment je peux parler avec authenticité, comment je me rends compte que, quand je parle à l’oral en embrassant mes vulnérabilités, en osant incarner ce que j’ai à transmettre, c’est là que j’ai le plus d’impact.
PARTICIPANTES À LA L’ACCOMPAGNEMENT
Qui sont les femmes que tu accompagnes dans le programme “LES FEMMES OUVRENT LA VOIX.E” ?
J’ai plusieurs publics : dans le programme j’ai 1/3 d’entrepreneuses, dirigeantes d’ESS ou indépendantes, 1/3 de femmes en transition professionnelle et le dernier tiers sont des personnes déjà en poste qui cherchent, là où elles sont, à affirmer leur leadership pour avoir plus d’impact en interne.
ET APRÈS LA FORMATION ?
Tu as des nouvelles de ce que deviennent ces femmes ensuite ? Vers quoi elles se sont dirigées ?
Pour certaines des femmes du programme, l’enjeu était de trouver l’espace pour concilier une activité pro et le développement de leur asso. Je pense surtout à 2 participantes, qui ont appris à lâcher le perfectionnisme, à déléguer, à trouver une place plus juste pour elles, dans laquelle elles se sentent mieux, elles ont arrêté de se mettre la pression sur des objectifs qui ne sont pas les leurs. Ce que je vois c’est que leurs asso décollent aujourd’hui.
Il y en a une qui souhaitait avoir un poste plus ambitieux dans son entreprise. Elle l’a eu. Et en fait, elle s’est rendu compte que ce qu’elle voulait vraiment c’était monter son projet. Ça lui a permis de se mettre en mouvement et de savoir ce qu’elle voulait faire.
Pour d’autres, c’est, après avoir optimisé leur situation dans leur poste, finalement décider de postuler ailleurs à des postes plus ambitieux.
Les retombées sont aussi multiples que les profils des participantes ! Il n’y a pas de parcours de réussite prédéfini.
ET LES HOMMES ?
Tu parles beaucoup d’inclusivité, tu as pour souhait de réunir des femmes, pourquoi pas les hommes ?
Je ne suis pas fermée, c’est une question qui peut venir avec le temps. Ce que j’observe pour l’instant, c’est qu’il y a des problématiques qui sont bénéfiques à traiter seulement entre femmes, car un homme n’a pas accès à ces questionnements là, car il n’à pas ce quotidien là.
Il y a des freins spécifiques qui sont liés au fait d’avoir grandi en tant que femmes. Et c’était important d’évoluer dans un groupe qui les comprenne. Elles osent plus se lancer. Ça recréer aussi du lien, car dans les entreprises, souvent les femmes se tirent dans les pattes. Pour faire basculer les choses, il va falloir recréer de la solidarité entre femmes. Et c’est pour ça que je travaille avec des femmes. À terme, le but est de créer une société unie, donc de refaire le pont avec les hommes sur ces questions là.
ET enfin, pourquoi “ROUj” ?
Je voulais quelque chose de fort, qui ait de l’impact. À la base c’était “rouge”, mais c’était indéposable comme ça, donc ça s’est transformé en “j”. J’aime bien car ça fait Jour dans l’autre sens. Ce que j’aime dans la couleur, c’est qu’il y a plein d'ambivalences que je retrouve dans le leadership. Rouge c’est la couleur de la révolution, de l’amour, de la féminité, du sang, de l’autorité, de la passion. Et pour moi le leadership c’est la réconciliation entre ces deux notions : le pouvoir et l’amour.
Tu veux en savoir plus sur les formations de ROUj ? 🧐
Le programme LES FEMMES OUVRENT LA VOIX.E
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Je vous laisse ici :)
A dans deux semaines !
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c'est incroyable le parcours de cette femme !! Et ce qu'elle décrit, c'est tellement cela ! On ne s'autorise pas en fait à être nous même, et pour ma part, j'ai été longtemps dans ce syndrome de l'imposteur... et je n'ai toujours pas réglé mon problème de visibilité... Merci pour cet article Marianne ! je vais partager