Témoignage d'une reconversion - secteur finance
“Cette génération consciente, qui est en dissonance cognitive.”
Pendant le confinement, Henri visionne le cours des Mines de Jean Marc Jancovici, posté sur Youtube en 2019. Dans sa conférence, l’ingénieur explique le réchauffement climatique d’une manière qui a su retenir l’attention. Pour Henri, elle déclenche l’envie de sortir de l’inconfort d’exercer un travail, dans lequel il a du mal à sentir son utilité dans un contexte de transition écologique et sociale. Lors d'une première rencontre en 2021, il travaille dans un cabinet de conseil à Paris et implémente des outils d’intelligence artificielle dans des grandes banques françaises. Il cherche à faire une reconversion dans la finance durable, pour rester dans un domaine qu’il connaît bien. Doutes, peurs, incertitudes, passage à l’action… il revient sur les étapes de sa reconversion.
“Ne pas rester bloqué dans cet état de stupeur”
“Mes premiers mois de confinement” dit-il, “je les ai passé à me renseigner sur le sujet du changement climatique”. Pris dans le quotidien d’un métier qui ne lui convient plus et assailli de questions sur le sens de son action dans le contexte actuel, il prend le temps de s’informer sur le sujet pendant le confinement. Ce qu’il apprend le trouble, le met mal à l’aise. Il sent qu’il ne peut pas en rester là et reprendre sa routine de travail d’avant confinement. Mais comment s’orienter dans la transition écologique ? Henri décide dans un premier de se mettre en mouvement pour sortir de cette émotion souvent paralysante qu’est la peur : “J’ai essayé de mettre des choses en œuvre quelques mois après afin de ne pas rester bloqué dans cet état de stupeur.”
Rejoindre un réseau, un premier pas.
“J’ai rejoint les Shifters, le groupe de bénévoles de l’association The Shift Project, fondée par Jean Marc Jancovici, ce qui permettait de se faire un petit réseau.” Il entend aussi parler de Ways to Shift, une plateforme qui tient le rôle de boîte à outil pour initier sa transition écologique, quelque soit son statut : salarié.e, indépendant.e, patron.ne, consultant.e… Et va s’informer sur les offres d’emploi présentent sur Shift Your Jobs, une plateforme qui recense les postes à pourvoir dans les structures qui agissent pour la transition bas carbone. Il s’abonne aux réseaux sociaux reliés à cette plateforme pour se tenir à jour sur les nouvelles offres d’emploi, et peut être tomber sur des boîtes qui pourraient l’intéresser. C’est via Shift Your Jobs, qu’il entend parler d'Hélios, une néo-banque, dont il se rapproche pour, “mettre un premier pied dans une finance cohérente avec les enjeux.”
De la finance traditionnelle à un travail dans la transition du système financier
Après ces premiers pas, faire chemin arrière n’est pas une possibilité pour Henri, l’envie d’avancer est plus forte : “ça m’a rendu un peu fou d’avoir un travail qui était en complet décalage.” Tiraillé entre ses nouvelles aspirations et son travail, il tente de développer des initiatives en interne, dans le cabinet de conseil dans lequel il exerce en tant que salarié, mais faire partie des pionniers n’est pas la démarche la plus simple : “Je me suis rendu compte que ça allait être très lent, que ce ne serait pas avant plusieurs années le centre de mon travail.”
Il décide alors de s’orienter vers une nouvelle entreprise dans la finance, qu’il peine à trouver, se heurtant au manque d’informations et de formation : “Je sors d’école de commerce et dans les cabinets de conseil, ils cherchent souvent des ingénieurs, donc j’avais un manque au niveau de mon expérience académique et professionnelle, et le dernier point c’est qu’il y a beaucoup de greenwashing et ce n’est pas simple de démêler le vrai du faux.” Pour mener ses recherches, il fait une veille quotidienne sur les entreprises de la finance durable et postule finalement, via Shift Your Jobs, chez “Carbone 4, Magellan et Carbometrix.” C'est cette dernière entreprise, Carbometrix, qu’il a finalement rejoint pour exercer un nouveau métier : calculer l’empreinte carbone des fonds d’investissement et des banques et leur proposer des pistes de décarbonation. Il est rassuré par les cofondateurs, qui lui confirment ne pas pratiquer la compensation carbone, un critère important pour Henri, pour qui, la compensation relève du greenwashing.
“Les valeurs sociales et environnementales vont ensemble”
Dans ces 2 précédents emplois, il avait mis plusieurs semaines ou plusieurs mois avant de “rentrer dans le moule”. En sortant cette expression, il réalise d’ailleurs qu’il est peut-être là le problème : “d’essayer de rentrer dans un moule.” Fatigué de la première semaine chez son nouvel employeur, en raison des “nombreuses informations à assimiler”, il sent toutefois une nette différence d’intégration : “j’ai mis quelques jours pour me sentir à ma place.” Cette ambiance de travail est pour lui bénéfique : “c’est beaucoup plus facile de porter des initiatives”. Ici, “ma parole compte.”
Les valeurs sociales et environnementales vont ensemble, selon Henri. Dans sa nouvelle vie professionnelle, les fondateurs accordent beaucoup d’importance à la santé mentale des employés et “personne n’est là pour faire du présentiel, comme c’est le cas dans beaucoup de cabinets de conseil où c’est beaucoup de show off” affirme t-il pour comparer son nouvel environnement de travail au précédent.
Ciao les contradictions intérieures
Contradictions entre nos convictions, nos valeurs, nos comportements et nos actions… Henri n’a pas l’impression d’être seul à vivre ce désordre intérieur et pour lui, il y a “un burn out généralisé de toute cette génération conscientisée, qui est en dissonance cognitive.” C’est cette dissonance qui, depuis quelques années, lui a fait perdre le goût du travail. Après le covid, il peine à se remettre au boulot, jusqu’à retrouver sa vivacité chez Carbometrix : “rien n’est jamais idéal à 100% mais là j’ai retrouvé le plaisir de travailler, de me sentir utile et c'est hyper bateau, mais ça me donne envie de me lever le matin.”
Se préparer à intégrer un milieu stigmatisé
Critiqué autrefois dans un travail dans lequel ne pas faire ses “12h par jour”, était considéré comme “ne pas faire du bon boulot”, il vit désormais une autre forme de stigmatisation hors des murs de l’entreprise. “Maintenant quand je parle de mon boulot en soirée, on me prend pour un écolo bobo de gauche.” Son dernier exemple en tête, c’est lorsqu’un ami parle de ses prochaines vacances juste après qu’Henri ait parlé de son nouveau travail. L’ami s’adresse à Henri : “Oui, je suis désolé, j’ai pris l’avion.” Il se désole que ce milieu soit stigmatisé et que lorsqu’on en fait partie, “on est tout de suite vu comme quelqu’un qui n’a pas le droit à l’erreur, qui est complètement cohérent.” Pour lui, “ce raisonnement binaire est un facteur limitant à la réussite de la transition écologique.”
Un coup de pouce n’est pas de trop
Malgré ces réactions nouvelles de la part de son entourage, le dénouement est plutôt heureux pour Henri. Il reconnaît que “ne pas savoir quoi faire de sa vie et sa longue recherche d’emploi” l’ont beaucoup pesé. Il en rit d’abord, marque un silence, puis admet ne pas avoir honte de le dire : ce qui l’a aidé à traverser ses doutes c’est “d’aller voir une psy”. Ce sont aussi des collègues de son ancien cabinet qui l’ont beaucoup aidé, notamment des supérieurs hiérarchiques. C’est enfin par “la bienveillance des acteurs du milieu de la transition”, qu’il réussit à trouver de l’aide et de l’information.
Changer de parcours, un processus qui prend du temps.
Pour résumer les étapes qui lui ont permis de réussir sa reconversion vers un métier de la transition, pour lui, la première chose a été “d’accepter son inconfort.” Il reconnaît avoir mis du temps à accepter qu’il était “en dissonance cognitive.” La deuxième chose, c’est de s’engager :”ça permet de retrouver du plaisir à travailler et à rencontrer du monde. Le secteur de l’impact, c’est un petit milieu, tout le monde se connaît un peu. C’est plus facile de postuler quand on connait des personnes.” Pour connaître du monde, lui s’est tourné vers le milieu associatif. De nature impatiente, il reconnaît aussi qu’il “faut accepter que changer de métier et concrétiser son projet prend du temps”. Vidéos, lecture, podcasts… Pour “se forger des convictions et se faire sa propre opinion”, il lui a d’abord fallu s’éduquer.
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Jobs_that_makesense, c’est une plateforme qui recense les offres d’emploi des structures du secteur de l'impact en France et les formations pour développer les compétences qu’il vous manque pour intégrer les structures qui vous attirent.
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COMMUNAUTÉ LES COLIBRIS FRANCAIS
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Clémence Gauthier
Contactée, il y a 1 an, Clémence était en Master 2 Management de projets internationaux, option culture et communication à Brest. “C'est un peu long comme titre, je sais” avait-elle dit avec le sourire. En débutant ce master, son idée était de travailler dans l'événementiel culturel et la gestion de projet. “Autant te dire que des stages dans l'événementiel en ce moment ce n'est pas ce qu'il y a de plus simple. En plus de cela je me suis rendue compte que, même pour un stage, j'étais assez exigeante avec les structures dans lesquelles je postulais. Mes convictions personnelles politiques, sur le plan humain et en matière d'écologie se sont développées ces dernières années et l'idée de travailler avec une entreprise qui ne partage pas du tout mes valeurs ne m'enchante pas.” Les questions du genre : “Comment trouver une entreprise en accord avec mes valeurs ? Quels métier recrutent dans l’impact ? quels métiers choisir ? Comment trouver ma place ?” fusent dans sa tête.
1 an plus tard, qu’est devenu Clémence ?
“J'ai pu trouver un stage de master au Centre de l'Imaginaire Arthurien, à Brocéliande. C'était un stage de médiation culturelle et de développement de projet international. Je m'y suis beaucoup plu, j'ai eu mon master et je suis toujours au Centre où je travaille sur un projet culturel autour des forêts légendaires et sur la valorisation de leur patrimoine immatériel.”
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