Et si on s’intéressait aux acteur.ice.s de l'Économie Sociale et Solidaire ?
Myriam Blondy a parfois son nom écrit sur le journal, elle ne passe pas à la télé et n’est pas une figure des réseaux sociaux. Myriam est une femme de terrain, qui sans cesse dans l’action, n’a pas le temps de parler d’elle et de ce qu’elle fait. Pourtant, elle fait pour moi partie de ces femmes inspirantes qu’il faut mettre en avant et dont les actions sont une nécessité. Elle n’a pas choisi d’aller vers l’ESS parce que c’était à la mode. Elle s’y est intéressée et y met toute son énergie, parce qu’elle aime ça. Elle aime accompagner les porteurs de projets de l’économie sociale et solidaire, lier les acteurs entre eux pour créer des synergies et leur permettre de vivre d’une activité tournée vers l’autre.
Un professeur lui a dit récemment “Vous avez de la chance, vous vivez dans une réalité parallèle, vous ne voyez que des belles choses autour de vous et vous avez l’impression que le monde a changé.”
Nous vivons tous dans des réalités différentes.
Aujourd’hui, je vous emmène dans celle de Myriam.
L’ADESS
Qu’est ce que l’Adess ?
L’Adess est une association qui a pour objectif de développer l’économie sociale et solidaire sur le territoire du pays de Brest. Il existe des associations similaires à l’Adess sur l’ensemble de la région Bretagne. Avec ces associations, nous faisons les mêmes choses, en travaillant sur deux grandes missions :
une mission de sensibilisation qui consiste à parler de l'ESS auprès des collégiens, lycéens, étudiants, du grand public, des porteurs de projets, élus ou candidats
une mission de développement économique visant à accompagner les porteurs de projets, d’accompagner le développement d’initiatives, de projets déjà en place. On fait ce qu’on appelle de l’animation territoriale en créant du lien entre les initiatives.
Combien d'entreprises vous accompagnez ?
On a une cinquantaine d'adhérents : 40 entreprises sociales et solidaires et une dizaine d'individuels. En plus, je rencontre tous ceux que ça intéresse, qui peuvent venir me voir à n'importe quel stade de leur projet. Je travaille également en partenariat avec d'autres acteurs qui peuvent les aider, les soutenir. On ne fait pas d'accompagnement au long cours au sein de l’Adess. En revanche, nous sommes partie prenante du TAG29, une structure départementale qui porte un incubateur d’entreprises ESS.
Qui sont vos autres partenaires ?
Dans nos missions nous travaillons main dans la main avec :
France Active pour des financements, Chrysalide (une coopérative d'activité et d'emploi), Entreprendre au féminin, qui est un réseau d'entrepreneuses, l'Urscop qui favorise la création de scop, la fédération des entreprises d'insertion, etc. Ce sont des gens qui se sont spécialisés dans des secteurs ou statuts particuliers. À l’Adess, nous sommes la porte d'entrée sur l'économie sociale et solidaire et ensuite on oriente chaque personne ou initiative pour répondre à leurs besoins.
Comment faites-vous pour relier tous ces acteurs ?
Nous orientons les porteurs de sorte qu’ils tirent les fils. C'est à eux d'être acteurs de leurs parcours et c'est important pour nous qu'ils restent acteurs de leur vie. Dans l'ESS, il y a des choix éthiques et aussi des questions perso qu'on prend en compte dans l'accompagnement : il faut que les décisions prises soient bonnes pour la personne et pas seulement pour le territoire ou pour l’économie.
As-tu des exemples récents d'entreprises accompagnées par le Tag 29 ?
Sapristi qui est un café-librairie solidaire, Ti Coop : un supermarché coopératif, la soupape à Crozon qui a pour objectif de créer un lieu touristique et d'accueillir des personnes en situation de handicap, pour que les familles puissent profiter de leurs vacances ensemble tout en proposant un soutien aux aidants. Skravik pour changer le regard sur le travail à la voile : aujourd'hui on se rend compte que dans l'environnement et dans la pêche, l'impact du bateau à moteur pollue beaucoup. L'idée serait, avec ce bateau, de mutualiser les besoins en abordant une nouvelle manière de pêcher et en récoltant des données scientifiques. Ces projets, ce ne sont que quelques exemples ...
VOS ACTIONS ?
Et toi là dedans, quelles sont tes missions ?
Je suis animatrice territoriale. Pour faire le lien entre les initiatives qui existent, j’organise des petits déjeuners de réseau autour de problématiques communes qui peuvent être : la communication, le recrutement, les éco-gestes au travail et autres supports pour échanger autour de leurs pratiques. Ça reste un prétexte pour faire se rencontrer les gens. On va participer à des suivis de projets de territoire, on monte des projets quand il y a des besoins. C'est le cas sur l'économie circulaire par exemple : les acteurs de l'ESS ont souvent été précurseurs sur ce sujet avec les Recycleries notamment, mais c'est un modèle qui change et les acteurs privés commencent à s'y intéresser. Du coup, on mène une réflexion sur la manière dont les acteurs de l’ESS déjà en place puissent se connaitre mieux, anticiper les changements et échanger des bonnes pratiques.
On travaille aussi sur un sujet autour du bien être au travail. L’économie sociale et solidaire n’est pas du tout exemplaire sur le bien être au travail. Il y a des burn out, du mal être, en lien avec des bénévoles qui ne savent pas comment faire. Par exemple, souvent les salariés se retrouvent à faire leur fiche de poste. Ce sont des initiatives qui viennent du terrain, elles vont souvent employer des militants, qui vont faire 50 voire 60 heures semaines. On fait donc des événements de sensibilisation et on outille les acteurs là-dessus.
Comment faites-vous pour les outiller ? Vous vous servez déjà de ce qu’il y a dans les entreprises classiques ?
Je vais me former bientôt et on va faire intervenir des personnes expertes sur le sujet : en droit du travail, prévention santé, gestion de coopérative. Sinon, on part toujours du terrain, on ne part pas de quelque chose qui est fait ailleurs et qui ne fonctionnerait pas forcément chez nous. Mais en échangeant avec mes homologues bretons, cela nous arrive de répliquer des projets parce qu'on les trouve pertinents pour notre territoire : c'est la magie de l'échange de pratique.
Comment fais- tu pour évaluer l’impact de tes actions ?
La valorisation de notre travail est un vrai enjeu. Par manque de temps et de priorisation, on n’est pas doué pour rendre compte de notre travail. C’est quelque chose qui nous dessert car on sait que les financeurs sont en attente de ce genre de données. L’enjeux c’est aussi de capitaliser sur nos actions, pour qu’elles soient duplicables et servent au plus grand nombre.
Par exemple, depuis 2 ans, l’ADESS porte un projet de coopérative-école : nous avons fais vivre 2 coopératives de restauration en 2019 et 2020. L’idée c’est d’avoir un temps de 6 mois avec des gens qui veulent monter un restaurant par exemple. La majorité de ces personnes sont issues de quartiers populaires et ont des compétences en cuisine. Elles la font chez eux et ce n’est pas des conditions qui permettent de vérifier la faisabilité de leur projet. Ça fait 2 fois qu’on teste un restaurant coopératif sur 6 mois. Il y a un mois où ils montent leur restaurant et pendant 5 mois, ils pratiquent. Ils apprennent les normes. Et au bout des 6 mois, on clôture l’entreprise, on voit le CA qu’ils ont créé pendant tant de mois. L’idée c’est de capitaliser sur ces expériences et de dupliquer à d’autres secteurs d’activité. Tout ça, c’est des expérimentations en liens avec des besoins locaux, et réalisés avec des partenaires.
Comment vous faites pour communiquer ce que vous vous faites ?
On utilise les canaux habituels de presse et de réseaux sociaux.
Ensuite pour comprendre ce qu’en tant qu’association on génère, on va faire un travail sur avec un chercheur qui s’appelle Jean-Louis Laville. Parce que c’est une particularité Bretonne, il a voulu s’intéresser à ce qu’on faisait, pour savoir si ça générait des choses par rapport à d’autres régions.
FINANCEMENT
Qui finance une structure comme l’Adess ?
La région donne 35 000 euros par territoire. Nous sommes aussi financés par Brest Métropole, 20 000 par an depuis 10 ans.
EQUIPE ET CULTURE INTERNE
Vous êtes combien actuellement ?
On est deux salariées. Je travaille à 80% choisi et Carine ma collègue à temps plein choisi. On peut le faire car on est une petite structure. On avait la possibilité de le faire et je trouve que ça fait partie du bien être au travail.
Et entre vous, vous organisez-vous comment ?
Moi j’ai la partie comptabilité, finance, lien avec le conseil d’administration, l’animation des adhérents, les newsletters, et certains projets.
Ma collègue Carine est chargée de projets, qu’elle gère de A à Z. Parfois quand il y a un projet de coopérative, elle va s’absenter 6 mois à temps plein. Et puis, on va bien sûr échanger à deux pour s’aider sur nos sujets. Toutes les décisions sont prises en lien avec notre conseil d’administration, composé de personnes issues d’initiatives de l’ESS.
LE GREENWASHING
Comment peut-on identifier le washing selon toi ? Est-ce que tu y as déjà été confrontée ?
Oui, il m’est arrivé d’avoir des porteurs de projets, des étudiants, qui me demandent quels sont les avantages de rejoindre l’ESS. Il y a ce truc de vouloir avoir la "gommette de l’ESS” et donc ils me demandent s’il y a des avantages, comme des subventions par exemple. Mais, les subventions sont en lien avec l’activité faites et non avec le fait d’être une entreprise sociale et solidaire. La question qu’on pose souvent aux porteurs de projets ou potentiels partenaires c’est : pourquoi vous vous intéressez à l’ESS ? Qu’est ce que vous cherchez ? À mon niveau je ne vois pas beaucoup de washing : quand on explique ce que l’on fait, on intéresse les acteurs qui ont vraiment envie de coopérer et qui donnent du temps.
Après, il y a les agréments B Corp. Ces agréments me font rigoler, car pour moi, c’est la base d’être B Corp. On s’engage lorsqu’on a une norme RSE par exemple. Si elle est assez exigeante ça devient intéressant. ESUS est plus exigeant que B Corp. Il est moins connu et beaucoup d’entreprises ne vont pas le chercher. Il faut expliquer ce qu’on a comme utilité sociale et l’ objectif n’est pas ailleurs, l’objectif n’est pas financier. B Corp c’est un peu la démarche inverse, c’est dire “j’ai un objectif financier, mais je fais les choses bien.” Pour moi c’est à l’envers, toute entreprise devrait faire les choses bien.
Se sont deux manières de penser différentes pour toi ?
Je pense. C’est ce qui me fait un peu peur pour l’avenir... c’est que l’économie sociale et solidaire peut devenir soit un gros fourre tout où tout le monde arrive et dit : je fais de l’ESS, je fais de l’innovation sociale, je réponds à des besoins. J’ai peur qu’il y ait un mixe entre des gens très engagés et d’autres qui le sont beaucoup moins mais qui veulent attirer la couverture à eux. Si l’économie sociale et solidaire veut réussir à être vraiment vectrice de transformation sociale, proposer une rupture, il faudra qu’elle soit exigeante. On peut rester dans l’entre deux mais pour moi l’entre deux va être un fourre tout.
RECRUTEMENTS
Des recrutements de prévus ?
On recrute un service civique en ce moment, dont les missions, en lien avec les transitions écologiques, se dessineront aussi en fonction de son profil, de ses motivations et envies.
LE MOT DE LA FIN…
Est-ce que tu te plais dans ce que tu fais ?
Oui car je suis très polyvalente. Je faisais partie de ces gens qui n’avaient pas de projets mais qui avaient plein d’idées. Du coup aujourd’hui, je peux partager mes idées à des personnes qui ont des projets. Ça changera peut-être mais pour l’instant c’est ce qui me plaît.
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