Et si j’accompagnais des entrepreneurs à impact dans leur financement ?
Pour que les entreprises à impact fleurissent, il n’y a pas de secret…elles ont besoin de financements. Seulement, aujourd’hui les fonds traditionnels investissent peu dans ces entreprises, dont le business model diffère souvent de celui des entreprises « classiques ». Depuis quelques années, il existe en revanche des fonds spécialisés dans l’Investissement à Impact, pour rediriger l’argent d’investisseurs (particuliers ou entreprises) dans ces organisations. Investir&+ est un fonds d’investissement à impact créer en 2012, qui a financé à ce jour une vingtaine d’entreprises comme Yuka, HelloAsso ou encore Sparknews. J’ai discuté avec Antoine Michel, Partner au sein du fond depuis 2018, également secrétaire général de Tech for Good et administrateur du Mouves (Le Mouvement des entrepreneurs sociaux).
Il m’explique le fonctionnement d’Investir&+…
LE CONCEPT ET LA CRÉATION
Qu’est-ce qui a amené les fondateurs à lancer Investir&+ ?
Au départ, c’était un projet monté par Vincent Fauvet et Jérôme Schatzman. Jérôme Schatzman s’occupe aujourd’hui d’Antropia, la Chaire Innovation et Entrepreneuriat Social à l’ESSEC. En 2003, ils voulaient tous les deux créer un incubateur d’entreprises sociales et ils ont lancé Fair Planet. Á ce moment là, Vincent habitait au Brésil et ils ont commencé par monter la première filière du coton équitable dans ce pays. Ensuite, ils ont lancé une marque de vêtements qui s’appelle Tudo Bom, qu’ils ont revendu à l’Occitane. Puis, ils se sont demandé ce qu’ils pouvaient faire pour aider les entrepreneurs et ils ont constaté que ces derniers avaient besoin de 2 choses principales :
- Des ressources financières longues, sans grosse pression de retour financier rapide aux actionnaires
- De l’accompagnement par des pairs entrepreneurs
Ils ont réuni autour d’eux une trentaine de personnes : des experts du private equity et des entrepreneurs et en 2012, le projet Fair Planet s’est renommé Investir&+.
Depuis sa création, on a investi dans 24 projets, en moyenne dans 5 nouvelles entreprises par année. On investit entre 250 000 et 1 million d’euros dans des entreprises de tous secteurs, dès lors qu’on pense qu’elles peuvent répondre de manière significative à un ou plusieurs objectifs du développement durable. Ce qu’on recherche avant tout c’est l’impact.
Vincent Fauvet
En quoi êtes-vous différent d’un fonds d’investissement traditionnel ?
- On est EverGreen : ça veut dire qu’on n’est pas obligé de rendre l’argent aux investisseurs dans un horizon défini, comme c’est le cas dans les fonds traditionnels. Dans un fonctionnement habituel, un fonds a 5 ans pour investir et 5 ans pour désinvestir et remonter l’argent à ses souscripteurs. Puis, au bout de 10/12 ans, le fonds est fermé.
- On a que des entrepreneurs au capital qui ont envie d’aider nos boîtes. Les fonds classiques, qui veulent atteindre une certaine taille vont principalement chercher de l’argent auprès d’institutions financières (banques, caisse des dépôts, assureurs…)
- On est Impact First : on cherche à maximiser l’impact de nos participations et donc à faire levier sur l’argent qu’on investit grâce à l’expertise et au réseau d’Investir&+. Cette priorité accordée à l’impact va se retrouver par notre objectif de TRI (Taux de rentabilité interne), qui indique les performances financières du fonds, qui va être de l’ordre de 3%, vs 10 à 20% chez des VC’s traditionnels.
Peux-tu me donner des noms d’investisseurs ?
Jean-Baptiste Rudelle qui a fondé Criteo, Marc-David Choukroun qui a fondé La Ruche qui dit Oui, Olivier de Fontenay qui a monté Eres, une boîte dans l'épargne salariale. Des gens qui travaillent dans différents secteurs et qui ont fait grossir des entreprises. Ce qui est d’ailleurs aussi mon cas, j’ai monté un média autour des musiques et cultures urbaines qui s’appelle Trace.
ENTREPRISES FINANCÉES
Quelles entreprises avez-vous financé ?
Historiquement on était plus social, donc on a accompagné par exemple : Hello Asso, Simplon. On a plusieurs participations dans la santé comme deuxiemeavis.fr pour les personnes éloignées des services médicaux, Les Opticiens Mobiles. On a aussi accompagné Sparknews, Make.org qui est une CivicTech qui fait remonter des propositions citoyennes sur des grands thèmes d’intérêt général, Acces Inclusive Tech sur l’insertion dans le numérique. On a ensuite investi dans Yuka, Murfy qui fait de la réparation de gros appareils électroménagers, les Alchimistes qui font du compostage en circuit-court en ville, Auticiel qui aide les personnes qui ont des troubles autistiques, Etic qui fournit des bureaux aux entreprises de l’ESS, Hello Charly qui aide les jeunes à mieux s’orienter, Alphonse qui s’intéresse au jeunes seniors, Naoden dans l’énergie, ou encore Recyclivre.
ENGAGEMENTS ACTUELS ET FUTURS
Quels sont vos engagements actuels ?
- On passe beaucoup de temps à rencontrer des projets et même si on n’investit pas, on va essayer de les aider et de les mettre en contact avec des personnes de notre réseau. C’est d’ailleurs pour ça qu’on est impliqué dans la création de Tech for Good France. On s’est aussi rapproché du Mouves : le Mouvement des entrepreneurs sociaux.
- Dès qu’on nous le demande, on intervient dans des écoles pour prêcher la bonne parole de l’Impact/l’Impact Investing.
EQUIPE
Vous êtes combien et qui fait quoi ?
On est 5 salariés : Vincent Fauvet, Moi, Quentin et Mari et 2 stagiaires : Emma et Léonie
On fait tous la même chose :
- Chercher des projets à impact
- Instruire les dossiers et regarder si l’impact est suffisant, si l’équipe est solide
- Organiser des tours de tables avec d’autres investisseurs. On investit rarement seul : soit avec d’autres fonds, soit avec des Business Angels.
- On s’occupe de tout l’accompagnement : animer des réunions avec nos actionnaires et aider nos boîtes quand elles en ont besoin
En général on est en binôme quand on étudie un projet, avec un profil expérimenté et un profil plus junior.
CULTURE
A quoi ressemble la culture d’entreprise chez Investir&+ ?
- On essaie de fonctionner en entreprise libérée : il n’y a pas de hiérarchie stricte, un stagiaire à le même droit de véto sur un dossier qu’un salarié par exemple. On travaille à livre ouvert, tout le monde à accès aux salaires de tout le monde et on les définit ensemble. On a aussi travaillé ensemble sur notre raison d’être. Ce qu’on applique aux autres on essaie de se l’appliquer à nous-même.
- On est B Corp : c’est la matérialisation de notre engagement et de notre mode de fonctionnement.
- On encourage aussi beaucoup l’engagement en dehors du strict cadre professionnel. On est tous assez engagés dans des assos et c’est tout à fait accepté de le faire sur notre temps de travail. Je pense d’ailleurs que ça vient aussi nourrir notre métier.
RECRUTEMENT
Est-ce que vous recrutez ?
On cherche quelqu’un qui a déjà une expérience dans le secteur de la santé, car on va lancer un nouveau fonds d’impact dans la santé, pour le compte de plusieurs mutuelles.
Est-ce qu’il y a une personnalité Investir&+ ?
Quelqu’un :
- Qui croit au projet, qui croit que l’entreprise privée peut contribuer au bien commun
- Qui n’a pas que la dimension uniquement financière en tête mais aussi humaine. Qui a de l’empathie et pas mal d’intuition.
- Il faut aussi qu’il y ait un juste équilibre entre avoir de l’empathie et avoir assez de distance pour pouvoir juger les projets, on a aussi un souci d’efficacité.
- Il faut être agile car on voit plein de secteurs différents, être très curieux
- On cherche aussi des gens détendus et cools
- Enfin, c’est important d’avoir conscience qu’on n’a pas un impact direct : ce n’est pas nous qui allons sur le terrain, qui allons au quotidien aider les gens. Il faut prendre cette dimension en compte car ça peut être frustrant de ne pas générer directement de l’impact.
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