Bonjour à tous,
Hier, je vous écrivais ces lignes en me demandant quel thème j’allais aborder pour vous parler de l’impact et du sens au travail…
Je lisais un article de Laëtitia Vitaud, une autrice que j’aime beaucoup, qui publie sur Welcome to the Jungle. Comme lors de la crise du Covid, elle parle de son sentiment d’absurdité à continuer son “business as usual” dans les conditions actuelles. Et en même temps que peut-on faire d’autre ? Elle dit “faute de pouvoir agir pour combattre la menace, nous ne savons pas faire autre chose que faire comme d’habitude, voire faire comme si de rien n’était. C’est ce qu’on appelle le biais de normalité”, qui consiste à “nier ou minimiser les dangers qui surviennent…” ( elle l’explique ici )
Avant le covid j’étais une adepte du biais de normalité. Quand un événement était loin, pas chez moi, je ne me sentais pas concernée. J’avais tendance à capituler intérieurement : “je ne peux pas faire grand chose à mon échelle”.
Aujourd’hui, cette guerre me rappelle que ce qui compte c’est maintenant. Que je peux agir là où je suis, avec les moyens qui sont les miens. Agir sur mon lieu de travail et en dehors, en m’indignant, en me renseignant, en partageant ce que j’ai appris, en donnant ce que je peux donner. C’est d’abord une sentiment d’impuissante qui m’a traversée… mais finalement, ai-je besoin d’être puissante pour faire et pour agir ?
Je vous partage ici le texte d’un ami d’origine ukrainienne, qui m’a touchée. On aura beau ne pas tout comprendre de cette guerre, les paroles de quelqu’un qui raconte son histoire, ont parfois plus de résonance qu’une masse d’informations qui font bouillonner nos oreilles…
Igor Koval, 29 ans
“Difficile de prendre la plume quand l’Ukraine, pays de mes parents, brûle. Et puis, par où commencer ?
Peut-être remercier toutes les pensées qui m’ont été adressées. Pourtant, je n’en mérite aucune. D’autres souffrent tandis que je suis confortablement assis, sans m’inquiéter de ce que je vais boire ou manger. Ni de la manière dont je vais me réchauffer – on annonce de la neige là-bas. Mais vos messages ont été d’un soutien sans égal. Ce sont eux qui ont motivé ces lignes. Alors par avance, désolé si c’est confus ou trop long ; difficile de garder la tête froide quand du sang se répand sur les terres nourricières de ses ancêtres.
Le principal sentiment qui me domine, c’est celui d’être démuni. Démuni, loin de ma famille, d’amis et de collègues empêtrés dans ce chaos. Sentiment immédiatement suivi par celui d’être privilégié.
Privilégié car mes proches courent un risque lorsqu’ils sortent acheter de quoi manger.
Privilégié car les hommes de ma famille ont été mobilisés.
Privilégié car mon cousin est en ce moment « entrainé au maniement des armes » pendant que j’écris depuis mon canapé.
Privilégié car une amie se trouve dans un sous-sol, abri précaire contre les bombes qui pleuvent sur sa ville, Kharkiv. Des civils y sont morts encore aujourd’hui.
Privilégié du seul fait de pouvoir jouir de mes mouvements et de quelques droits fondamentaux. Et de mes pensées.
Oui, de mes pensées. Car des pensées, vous n’en avez plus que des confuses quand vos nuits ne dépassent pas une poignée d’heures. Entrecoupées de bombardements.
Une humeur d’autant plus morose qu’elle est accentuée par un sentiment de schizophrénie. Entre la fréquence des informations qui me viennent de là-bas et la prudence de celles qui sont livrées ici. Entre les horreurs commises si près de nous, et le calme relatif qui m’entoure.
S’il fallait trouver du réconfort là où il n’y en a aucun, ce serait de savoir que ma grand-mère est partie il y a peu, sans savoir que les troupes d’un État qu’elle a combattu toute sa vie fouleraient à nouveau ses terres. Ce même État qui, en 1932/33, par une famine organisée et industrialisée, condamna des millions de personnes à mourir la gueule ouverte. Encore ce même État qui déporta mes grands-parents au bout de la Sibérie, dans un goulag où mon père est né.
Des événements historiques et familiaux partagés par des millions d’Ukrainiens. Et qui, loin d’expliquer la situation ou de lui enlever sa complexité, éclaire cette défense d’un peuple trop de fois opprimé, qui se dit n’avoir plus rien à perdre. Montrant – s’il le fallait – que l’insupportable réduction de la situation à « l’OTAN ceci » , « l’Europe cela » ou encore « La Russie blabla » est une lecture bien simpliste, et d’une grande pauvreté intellectuelle …
Néanmoins, l’effroi des premiers instants ne peut être que temporaire afin d’apporter sa pierre à l’édifice ... Des maigres options qui s’offrent à moi, je vous en partage quelques-unes, sachant que vous en ferez bon usage.
La première, s’informer convenablement. Ça peut paraître idiot, mais si on savait le faire, la désinformation ne resterait pas l’une des armes les plus puissantes des guerres actuelles. S’informer convenablement comporte au moins trois choses :
- aller chercher l’information ; ne pas attendre passivement qu’elle soit apportée, auquel cas on subit ce qu’on veut bien nous dire plutôt qu’on apprend à contrôler les sources qu’on interroge
- avoir un doute raisonnable sur toutes les informations reçues : quel crédit accorder à cette information, qui l’a émise, pourrait-elle avoir été émise pour des raisons différentes de celles qui sont présentées, …
- comprendre que l’information n’en est pas une sans l’interprétation qui en est faite : apprendre à distinguer ce qui se cache entre les lignes, s’attarder sur toutes les interprétations qui peuvent en être faites, comprendre les lignes de crêtes des messages qui sont défendus, s’intéresser aux intérêts tirés par celui qui émet l’information, …
Le corollaire immédiat est de prendre part à l’information, de communiquer autour de soi. A minima contre ceux qui verseraient dans des interprétations vaseuses ou des mensonges éhontés. Ou mieux, prendre la parole : ouvrir des espaces de communication, aborder ces sujets. La passivité n’a jamais fait preuve d’efficacité.
Un autre moyen d’action est de participer aux manifestations et réclamations auprès des acteurs publiques et politiques. Les marges de manœuvres d’un député ou d’un président ne sont pas les mêmes s’il sait ou non que sa population accepte de réduire drastiquement son chauffage et ses usages gaziers industriels (pour ceux que ça intéresse, je peux donner quelques bonnes feuilles sur les implications énergétiques du conflit). Il y a des également des manifestations dans beaucoup de villes. Quotidiennement à Paris.
Une dernière action est de fournir un soutien humanitaire. Soit financièrement, typiquement via cette association ukrainienne :
Aide Médicale Caritative http://amc.ukr.fr/actualites/ (et si vous suivez ce que je dis, il est de bon ton de vérifier ce qu’est cette asso, si elle est fiable notamment. Alors voilà de quoi vous rassurer : https://france3-regions.francetvinfo.fr/.../jt-1920-paris...). Soit, si vous en connaissez, de contacter infirmiers, pharmaciens, médecins, etc qui se débarrassent de médicaments, compresses, matériel médical, …
Voilà quelques nouvelles en ces temps tristes et troubles.
J’espère que vous allez tous bien.”
Voici quelques autres pistes pour comprendre la situation :
Arte : il y a plein de docus arte en ce moment qui expliquent les origines du conflit entre la Russie et l’Ukraine et ses conséquences géopolitiques.
Pour faire un don
La Croix rouge française - page dédiée pour des dons à l’Ukraine
Sur la plateforme Hello Asso - 2 asso ukrainiennes vérifiées
Pour ceux qui sont plus réseaux sociaux
Makesense a fait un poste complet sur le sujet sur Instagram :
Désolée pour celles et ceux qui s’attendaient à un autre type de contenu, mais je ne pouvais pas rester là, à proposer un format habituel, la situation n’ayant rien d’habituel.
Merci d’avoir lu cette newsletter, je vous souhaite à tous une belle journée ♥️
Merci Marianne d'avoir trouvé les mots justes
merci d’avoir partager ce message et nous donner des pistes comment agir,
bien a vous
Elodie