100 % de plastiques recyclés d'ici 2025, c’est l’objectif de la loi anti-gaspillage. Ca concerne autant les déchets issus de notre consommation de plastique que ceux des industriels et des entreprises. En Bretagne, 3 amis, Yann, Thibaut et Théo, ont par exemple eu l’idée d’agir en montant une filière de l’économie circulaire pour recycler les filets des pêcheurs !
Yann Louboutin, l’un des co-fondateurs, nous parle de Fil & Fab.
PRESENTATION
Pourquoi as-tu voulu créer Fil & Fab ?
Fil & Fab à été créée en 2019. C’est un projet qui est plus ancien. En 2015, on était 3 amis qui venaient tout juste d’avoir leur diplôme en design de produit. On avait la même vision par rapport à l’écologie, l’éco-conception, l’importance de la localité dans la production de l’objet. En parallèle de ça, on avait le sentiment d’un manque au niveau des projets sur lesquels on travaillait à l’école. On avait 6 semaines pour travailler sur des projets et créer des produits et on avait envie d’aller plus loin, notamment concernant le cycle de vie du produit et son recyclage. Théo, qui est aujourd’hui, un associé, est allé faire un BAP à l’EESAB, Diplôme d’arts plastiques aux beaux arts de Brest dans une branche dédiée au design pour la transition écologique. Il avait un an pour concrétiser un projet. De là, on s’est dit que c’était un bon prétexte pour bosser tous les 3 dessus. On a commencé à travailler sur une problématique à traiter, et finalement, le projet nous est un peu tombé dessus. L’histoire commence quand Thibaut et Théo, sous les coups de 2h/3h du matin, buvaient des bières sur le port de Brest et on vu des filets de pêches usés. Ils se sont dit qu’il y avait peut-être quelque chose à faire avec. Le lendemain, on s’est dit pourquoi pas ! Cet événement a été le point de départ pour toute la suite.
C’est quoi le problème avec les filets de pêche ?
Le problème auquel on s’attaque est présent à l’échelle locale : les filets qu’on recycle sont des filets ramenés au port par des pêcheurs car ils sont trop usés pour être réutilisés. Ces filets de pêche n’ont pas de solution de valorisation ou de recyclage qui se fait en France. Pourtant leur volume est important et c’est un matériau de qualité. Les pêcheurs font le gros du travail en les ramenant, en les stockant et en les collectant. Mais derrière ils ne sont pas recyclés. La réponse qu’on apporte est donc de monter une filière du recyclage de ces déchets, localement, en Bretagne, en Normandie et en Occitanie.
Qui sont les acteurs de la filière que vous réunissez ?
Il y a les pêcheurs, les fabricants de filets de pêches, les gestionnaires de port, les CCI, les collecteurs : on travaille beaucoup avec Guyot environnement à Brest et des transporteurs pour transporter les filets hors de Bretagne. Ensuite, on à la partie interne où il y à Fil & Fab qui est acteur l’ESAT les genêt d’or, une structure d’insertion sociale pour les personnes handicapées. Elles s’occupent principalement de la partie tri.
Quelles sont les grandes étapes de recyclages des filets ?
Sur un filet de pêche, il y a plusieurs matériaux : une ligne flottante en haut, une ligne plombée en bas, composées de matériaux différents de ceux du filet de pêche qui se trouve au milieu. Il faut les enlever pour ne récupérer que la partie centrale qui peut être recyclée plus facilement que les autres car c’est une partie mono-matière. Ce travail de tri de ces matériaux est indispensable et pour le moment, nous n’avons pas de mécanisation, il est fait manuellement donc on travaille avec les genêts d’or sur cette étape-là, sur laquelle travaille aussi une partie de l’équipe de Fil & Fab. Une fois un filet nettoyé et broyé en granulés par nos sous-traitants, on obtient le“Nylo”, notre produit fini. Fil & Fab à accompli son rôle une fois ce produit fini obtenu, après transformation du filet en matière première. On accompagne ensuite nos clients dans l’utilisation de ces filets pour les transformer en objet. On va avoir des professionnels de l’industrie plastique ( injecteurs, techno formeurs…), des designers qui souhaitent utiliser le matériau. On à un rôle d’accompagnement partout, on est multi-casquette. C’est pour ça qu’on se considère comme une filière de revalorisation, dans le sens où on met en lien tous ces chaînons pour aboutir à un déchet qui est revalorisé.
Au niveau de la partie tri/broyage, est-ce qu’il y a des processus de recyclage du plastique - matériau issu du pétrole - plus propres que d’autres ?
Sur la partie tri, j’imagine que oui. Chez Fil & Fab, on travaille manuellement. En termes d’impact, il y a 2 grandes familles de recyclage :
- la famille des thermomécanique : on chauffe et on coupe le plastique
- la famille des recyclages chimiques : on agit à l’échelle moléculaire de la matière. La composition du plastique est la suivante : c’est un polymère, composée de monomère, c'est-à-dire un maillon identique répété une infinité de fois pour former le plastique. En recyclage chimique, on sépare les monomères et on les ré-assemble pour former un plastique neuf.
En termes de résultat, on est proche. Dans le deuxième cas, il y à moins de risques de parasites ou de contamination. En revanche, en termes d’impact, le recyclage thermomécanique est moins polluant car on ne va pas détruire la matière, il a un taux de conversion de la matière plus élevé : on perd moins de matière. A titre indicatif, on peut perdre 30% sur du recyclage chimique et seulement 10% sur du thermomécanique.
CLIENTS
Qui sont vos clients finaux ?
Une fois qu’on arrive aux granulés, on a plusieurs typologies de clients : par exemple on à une horlogerie, Armor Lux qui travaillent sur des lunettes en plastique recyclé, vendues au grand public. Et puis on va avoir des clients qui injectent des granulés pour faire des pièces techniques qui serviront à construire d’autres objets. Leur point commun à tous c’est la prise de conscience par rapport à l’importance du recyclé et l’argument marketing que ça peut leur permettre d’avoir par la suite pour valoriser leur produit et leur identité de marque.
FINANCEMENTS
Comment vous vous êtes financés ?
On est passé par l’endettement bancaire. Puis on a reçu des pour de l’investissement machine de la part de l’Ademe et le FEAMP : fond européen pour les affaires maritimes et la pêche. En 2022, on aimerait aussi faire une levée de fonds.
EQUIPE
De gauche à droite : Thibaut, Théo, Yann
Vous étiez 3 à la base, aujourd’hui, 2 ans après, vous êtes combien ?
Aujourd’hui on est 4 associés. On avait travaillé avec George, un mentor. De fil en aiguille, on a eu envie de continuer de travailler ensemble. Depuis 1 semaine, c’est officiel, il à rejoint Fil & Fab en tant qu’associé. Et sinon on est 8 au total.
Qui fait quoi au sein de l’équipe ?
Georges qui nous accompagnait sur la partie industriel a gardé cette partie, il est coordinateur industriel. Thibaut Uguen est en charge de la partie commerciale, il suit aussi la partie production. Théo Deprez est président de Fil & Fab et est en charge de tout l’amont de l’atelier : la collecte, la coordination des différents ports. Il fait en sorte qu’on est les meilleurs approvisionnement venant des ports. Et enfin, moi, Yann Louboutin qui suit principalement sur la partie communication, média et je travaille aussi avec Thibaut sur la partie commerciale, qui nous prend beaucoup de temps. Ensuite les 4 autres personnes qui sont là s’occupent de la partie tri et broyage, à l’atelier.
FONCTIONNEMENT INTERNE
Comment bossez-vous ensemble ? Qu’est ce qui vous caractérise en tant qu’équipe ?
La culture d’équipe, on a pas voulu en imposer une, du style : on va tous porter des marinières. On est une petite entreprise mais on est pas friand de l’identité startup que ça peut véhiculer. On préfère se considérer comme une jeune entreprise qui fait son chemin sans toutes les fanfreluches qu’il peut y avoir autour. La culture s’est faite naturellement. Le fait qu’on soit des amis avant de travailler ensemble à joué beaucoup là dedans et fait qu’on à un fonctionnement très horizontal.
Comment vous fonctionnez en interne ? Comment vous vous organisez ensemble ?
On se dit qu’on fait 35 heures dans la semaine et chacun à la possibilité de choisir quand il veut bosser. On tient juste à ce qu’on communique à l’avance pour adapter le planning de production. Au niveau de la production il y à donc ce planning de prod fait toutes les semaines avec l’info sur les filets à traiter en priorité et à broyer dans la semaine. On est tous ensemble aux pauses, le midi.
RECRUTEMENT
Quand vous recrutez une nouvelle personne, vous recherchez quoi chez cette personne ?
Ça se fait au feeling. Nous n’avons pas vraiment de critères. Ça se construit un peu comme ça : en fonction des profils qu’on va avoir, on fait en sorte qu’il y ait un bon amalgame entre tout le monde pour que ça fonctionne bien.
PROJETS FUTURS
Quels sont vos objectifs pour 2022 ?
On va faire en sorte que ça décolle jusqu’à saturation du gisement français. On pourra, à partir de là, aller chercher des filets en Espagne ou ailleurs en Europe. Et pour aller encore plus loin, on reviendrait aux sources : étant designer de formation, on aimerait dessiner un objet localement : Faire rentrer un filet de pêche, le transformer en matière recyclée et sortir un objet qui pourrait être commercialisé pour boucler la boucle. Ce serait l’aboutissement de ce projet.
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