Historiquement crées au Moyen-âge par les producteurs de lait, les coopératives sont aujourd’hui plus de 22 600 en France. Le modèle, qui permet de mutualiser les ressources et d’adopter une gouvernance autogérée et démocratique, attire de nouveaux acteurs. Les coursiers à vélo s’y sont mis, en réponse aux dysfonctionnements organisationnels de leurs professions. J’ai rencontré Pierre et Ludovic des Coursiers Brestois, et Adrien Claude, de la fédération CoopCycle. Ils nous en parlent….
Toujours plus pour les clients, encore moins pour les travailleurs.
Cadence effrénée, pression sur les livreurs, risque d’accidents constants… C’était le quotidien de Pierre, pendant ses 3 années chez Uber Eats, Deliveroo, puis une autre plateforme de livraison : “il fallait aller de plus en plus vite pour faire nos courses, pour gagner plus d’argent”, raconte-t-il. Au rythme peu soutenable, s'ajoutait un manque d’autonomie dans le travail, lui procurant une grande frustration. Celle-ci était doublée d’une contradiction liée au statut de freelance : “d’un côté, tu es complètement dépendant d’un algorithme et de l’autre tu as un statut d’indépendant, mais ils font ta facture et décident de ta rémunération, qui est toujours en baisse.” Bien que le service après vente soit optimisé pour les clients, l’organisation interne et le management laissait donc à désirer. Un autre outil était construit pour répondre à leurs questions, mais “les réponses prenaient du temps, étaient peu adaptées et les revendications n’étaient pas prises en compte.” Au-delà des conditions de travail, pour Pierre, Yann et David, l’envie de diversifier l’offre de service, principalement orientée restauration rapide, a motivé leur départ.
Aller de l’avant en créant son propre modèle.
En suivant des comptes de livreurs sur les réseaux sociaux, Pierre entend parler des coopératives de livreurs présentent en France et en Europe. La fédération CoopCycle est même créée en 2017 pour encadrer et accompagner leur travail. Elle réunit aujourd’hui plus de 70 coopératives dans le monde, dont 59 en Europe et 37 en France. “Je ne connaissais pas le modèle de la coopérative et c’est finalement ce qui m’a paru le plus cohérent pour proposer une alternative”, explique Pierre. Pour Adrien Claude, fondateur de la coopérative de livreurs Sicklo et coordinateur de la fédération CoopCycle, “l’objectif de la coopérative n’est pas de faire des réunions permanente et de la démocratie à outrance, mais de rendre leur souveraineté aux gens lorsqu’ils travaillent dans une entreprise et qu’ils la font vivre.”
Un équipement plus équitable.
Remorques, vélos cargo, caisses… Côté équipement, les Coursiers Brestois s’organisent pour investir dans un équipement de pointe. “Grâce à une subvention demandée et acceptée par la Mairie de Brest, nous avons pu acheter une remorque sur laquelle nous mettons une palette pouvant recevoir 180kg”, se réjouit Pierre. Il rappelle qu’avec les plateformes, la gestion des équipements est intégralement à la charge du coursier indépendant : le vélo, les réparations, le sac. Pour rentabiliser l’investissement, il faut donc beaucoup travailler : “dans mon cas, j’étais à 50h semaine : 35h de vélo, plus 15 heures à être connecté et être disponible pour une nouvelle livraison. En fin d’année, il faut que tu retires toutes tes charges, ce que tu payes à l’Etat, sans congés payés. Donc au total, tu n’es pas au smic horaire”, explique-t-il. Pour la gestion de ces charges, les Coursiers Brestois ont fait le choix de les passer aux frais de l’association.
Et côté rentabilité ?
Avant de parler rentabilité, Ludovic rappelle que l’idée de départ était de casser la gouvernance verticale d’un système comme Uber Eats. Grâce à un fonctionnement horizontal, chacun y trouve son compte : “ceux qui veulent faire plus de vélo, font plus d’heures de vélo, ceux qui veulent plus d’administratif en ont plus…L’idée est que chacun soit satisfait pour avancer ensemble dans la bonne direction.” Question finance, pour le moment les Coursiers Brestois ne peuvent pas se payer comme ils le souhaiteraient mais ont trouvé un équilibre : “on se met d’accord sur qui fait quoi et tout l'argent gagné par l'association reste dans l'association. Il n’y a pas de pourcentage qui part je ne sais où.”
Sur cette question, Adrien Claude soutient que la plupart de ces coopératives sont rentables, une fois la phase de lancement passée. Parmi celles qui le sont, il cite les Coursiers de Nantes, les Coursiers Bordelais ou encore Sicklo à Grenoble.
Le local avant tout.
Pour les fondateurs de l’association, il était important de revoir l’offre de service en valorisant plus d’acteurs locaux. Actuellement ils livrent au domicile des brestois les produits “des restaurateurs et commerçants locaux comme les fleuristes, les boulangeries, les cavistes, les magasins vrac etc.” Comme projet futur, il vise le dernier kilomètre. Ils pourraient ainsi proposer la livraison de colis, de documents confidentiels et s’étendre à d’autres commerces locaux, comme les pharmacies par exemple. Concernant le périmètre de livraison, ils sont essentiellement actifs à Brest et aux alentours. Quant à la question de livrer dans d’autres villes, ce n’est pas leur souhait. Ce qu’ils désirent pour préserver le local avant tout, c’est “que d’autres collectifs se forment aux alentours.”
La coopérative en vue.
“Transformer la structure en coopérative, continuer à développer notre activité, renforcer le dernier kilomètre, aller sur de nouveaux secteurs, collecter les biodéchets chez les commerçants, les restaurateurs et même les habitants…” Les Coursiers Brestois ne manquent pas d’idées pour développer leur activité, avec toujours cet objectif premier de maintenir un fonctionnement en réseau, coopératif et local.
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